Un budget de l'autodépendance au Québec

Le 10 mars 2020, le gouvernement Legault dévoilait son budget “vert”, avec notamment une hausse 32.9% [1] au ministère de l’environnement et 6,7 milliards sur six ans pour mener la lutte aux changements climatiques. Depuis, ce budget a été éclipsé par la crise du coronavirus, mais il est important de s’y pencher, car si nous croyons les experts du GIEC, nous allons franchir les 1.5 degrés de réchauffement en 2030 si rien n’est fait; et tout semble indiquer que la crise climatique, si nous échouons, sera aussi grave que celle du coronavirus, mais permanente. La prochaine décennie est donc particulièrement importante.

Éric Girard, ministre des finances du Québec, en présenant le budget de la CAQ [2], affirme avec raison que c’est dans le secteur du transport que les émissions ont augmenté dans les dernières années et que c’est donc ce secteur qu’il faut cibler pour atteindre nos cibles de réductions.

Pour ce faire, nous pouvons imaginer une panoplie de mesures possibles, inspirées de ce qui se fait ailleurs dans le monde:

Les idées de manquent pas. Or, nous constatons avec ce budget que le gouvernement ne s’attaque pas directement aux sources de la dépendance à l’automobile. Plutôt, toute l’approche est axée sur la subvention aux achats de véhicules privés électiques et de bornes de recharge à travers le programme de 271 millions “Roulez vert” [3]. Même les sommes destinées à d’autres mesures comme les transports en commun se retrouvent souvent, concrètement, à subventionner l’autodépendance, comme c’est le cas avec le troisième lien, infrastructure routière qui sort tout droit des années 1950 et payée à 50% par des fonds dédiés au transport collectif [4]. En entendant le terme “transport collectif”, j’imagine des tramways, métros, autobus, mais le gouvernement imagine plutôt un tunnel autoroutier avec quelques bus qui y circulent. Comme quoi le prisme de l’autodépendance déforme même le sens des mots que nous utilisons.

Qu’en est-il de surtaxer les VUS? Il serait plus exact de préciser: “moins subventionner les VUS”, car, comme tous les véhicules privés, les VUS sont déjà fortement subventionnés sous forme d’un accès gratuit aux routes et aux stationnements, et à la mutualisation des coûts environnementaux et de santé [5]. Donc, taxer un peu plus les VUS ne reviendrait en réalité qu’à (un peu) moins subventionner cette catégorie de véhicules. Mais, fait curieux, la culture de l’autodépendance est tellement forte au Québec que M. Girard, ministre des finances du Québec, semble croire que les VUS échappent à la règle la plus élémentaire de l’économie: la loi de la demande. En effet, selon M. Girard, [2] “C’est pas une taxe qui va […] arrêter” les consommateurs d’acheter un VUS.

Ainsi, la loi de la demande, élaborée en 1892 par Alfred Marshall, s’appliquerait à tous les biens de consommation au monde, mais pas les VUS au Québec.

Restreindre l’étalement urbain, promouvoir l’auto-partage et l’accès à des communautés à échelle humaine où une voiture (ou une deuxième voiture) n’est pas nécessaire; voilà des solutions qui ne sont même pas considérées.

Au Québec, nous sommes si aveuglés par l’autodépendance que nous n’arrivons pas à envisager autre chose qu’une augmentation sans fin du nombre de voitures privées sur nos routes.

Notes